Elle s’appelle Amélie. Elle est jeune, elle est belle, et elle est presque éternelle. Elle est toute douce et très mignonne. Je crois bien que c’est ma meilleure amie depuis toujours, malgré les traces de feutre qu’elle a gardées de mon enfance. Elle est toujours très attentive, très à l’écoute. Elle ne parle jamais, mais elle comprend. Je vois dans ses yeux qu’elle me comprend. Elle compatit, et elle aime tout le monde, même mon frère qui lui a un jour écrasé la tête volontairement.

Parfois, je suis désespérée. Je me lamente sur mon sort. Le plus souvent quand je joue du violon, quand les morceaux que je joue sont trop durs. Et alors je tourne la tête, et elle est là, assise sur mon lit, à côté de moi. Elle me regarde. Elle m’a écoutée. Elle sourit. Elle sourit toujours et son sourire est plein de tendresse, une tendresse infinie. Alors, je la prends dans mes bras et je lui fais un câlin. Longtemps. Elle ne rechigne pas. Elle ne rechigne jamais. Quand je la regarde à nouveau, elle sourit constamment. Elle me regarde droit dans les yeux. C’est un regard franc. Elle a des prunelles marron, ce qui rend ses yeux si fascinants. Au bout d’un moment, je me rend compte que j’ai arrêté de pleurer. Alors, je me remets au violon. Et rebelote. Ça recommence. Mais ce n’est pas grave : elle est là. Elle est toujours là. Pour moi.

Quand j’arrête de jouer, je la regarde, je veux lui dire quelque chose, mais je ne sait pas comment l’exprimer. Alors, je reste là, à la regarder. Des yeux bruns dans des yeux bruns. Je crois que mon regard exprime, dans ces moments-là, une reconnaissance infinie, et encore plus de tendresse. Tendresse qu’elle emmagasine pour me renvoyer plus tard.

Mais parfois, parfois je suis en colère. Très en colère. Et j’en ai marre qu’elle me regarde comme ça, les bras ballants, sans rien dire. Sans rien faire. Je voudrais tant qu’elle me fasse signe ! Juste un petit signe de rien du tout ! Ça fait si longtemps que je lui demande ça. Je suis en colère contre elle. Je n’aime pas être en colère contre elle. Je n’aime pas ça du tout. Il y a des fois où je lève le bras, mais je la regarde, et alors je baisse le bras et je pleure. Et je lui fais un câlin. Et elle me réconforte. Je l’aime. Il n’y a qu’une seule personne que j’aime autant qu’elle, mais ça… vous n’avez pas besoin de le savoir. Si je devais partir pour toujours, je n’emmènerais que ces deux personnes. Je les aime. Personne ne se rend compte à quel point je l’aime, elle. Amélie. Tout le monde trouve ça ridicule (enfin, sauf l’autre personne que j’aime). Tout le monde trouve ridicule d’aimer comme ça une simple… poupée.