Depuis mes deux ans, elle m’attend tous les jours après l’école, sur mon lit. Elle me connait mieux que moi-même. C’est elle, mon journal intime, elle est la sœur que je n’ai jamais eue, ma meilleure amie. Je lui dis tout. Et même si je ne le lui dis pas, elle me comprend.

Elle est toujours là pour moi. Quand je suis triste, elle me fait des câlins. Elle ne m’a jamais rien dit de méchant ou de vexant. En même temps, elle ne parle jamais. Un jour, alors que j’étais inconsolable et qu’elle me consolait, je lui ai posé une question. Une question vitale, à laquelle j’avais besoin d’une réponse. Mais elle ne répondit pas. Elle ne répond jamais. Je l’ai alors jetée sur mon lit, furieuse. Deux secondes plus tard, j’éclatais en sanglots, et elle fut de retour dans mes bras.

Je crois que les garçons ne la supportent pas. Tous les garçons qui l’ont vue un jour, excepté mon père, ont immédiatement eut envie de la frapper. Mon frère a un jour déformé son crâne. Depuis, je la tiens bien à l’écart de lui.

J’ai besoin de son petit corps rondouillard contre le mien, le soir, pour m’endormir. J’ai besoin de regarder bien en face ses beaux yeux marron, rassurants, quand je désespère de ne pas savoir. J’ai besoin de caresser sa douce tête de plastique quand je suis triste. Je sais qu’elle est vivante dans ce corps de plastique et de tissu.

Mais qui comprendrait une fille qui parle à une poupée ?